Quand j’pense que pour beaucoup, la meilleure manière de passer un samedi soir, c’est de faire la bringue et de se torcher la gueule jusqu’à pas d’heure. Quelle bande de dégénérés. ‘Fin, j’sais pas, tous ces délire d’aller s’enfermer dans un trou à rat rempli de monde qui pue la transpiration et je sais pas quoi d’autre sous prétexte de danser sur de la musique qui n’a rien de musique, qui en plus est mille fois trop forte et casse les oreilles… le tout avec des gens bourrés donc cons… nan, vraiment, j’vois vraiment pas leur délire, là dedans. Après, j’vous arrête de suite, j’suis pas un rabat joie qu’aime pas faire le con, qu’aime pas s’amuser ou je sais pas quoi. Mais, bon. Y’a des limites, quoi. En plus, après toute une putain de semaine à enchainer les sauteries mondaine avec des putain de bobos à se la jouer picasso tout ça pour qu’ils daignent cracher leur thune… bah moi, mes soirées, je les préfère nettement comme celle-ci : chill avec Zelda, sur un canap, avec une émission de merde à la télé comme bruit de fond, des pizzas, et basta. Elle j’sais pas trop ce qu’elle lit, j’arrive pas trop à voir vu d’ici, parce qu’elle a pris ses aises la p’tite en se calant sur moi pour être mi-assise mi-allongée, mais ce qui est sûr c’est que ça a l’air vachement de la merde. Et moi, ordinateur sur les genoux, ça fait je sais pas combien de temps que je galère à tenter de trouver des teintes de peinture bien précises et bien galère à trouver, puisque jusque là, la boutique à qui je les achetais a foutu la clé sous la porte, on a pas idée. Ah non mais j’vous jure, une merde pas possible. Si bien qu’à un moment c’est simple : j’en ai marre. J’repousse mon ordi un peu d’un seul coup et j’me laisse choir contre le dossier du canap pour m’étirer dans un grand soupire. Puis là je jette un p’tit regard sur la p’tite Zaza. Elle m’a totalement confondu avec son coussin, avec sa tête sur moi, comme ça. Est-ce qu’elle se serait couchée pareil, si elle savait que j’suis pas gay ? Et surtout : si elle savait non seulement que j’suis pas gay… mais qu’en plus, j’ai toujours eu des vues sur elle. Fiancée ou non, j’ai bien vu qu’il s’était passé un truc vraiment fort entre nous, quand on s’était rencontrés. Et franchement, encore aujourd’hui, j’pige pas trop comment j’ai pu d’un seul coup passer de cette case là à celle de meilleur ami gay sans même qu’on me prévienne pourquoi ou comment… « j’suis si ennuyant que ça, que tu préfères lire ta merde ? » je lui lance dans un petit ton railleur. En vrai, j’sais pas vraiment si c’est de la merde ce qu’elle lit, mais j’aime bien la taquiner. D’ailleurs, j’demande pas trop mon reste, et sans même lui laisser le temps de rien, je lui prend son livre des mains. J’perd pas sa page parce que j’suis pas non plus un monstre, mais je fais mine de feuilleter le truc d’un air septique. « rassure-moi, c’est quand même pas une de ces histoires d’amour pour nana puant la niaiserie et les coups de fouets ? » Encore dans la taquinerie, je reprends la page à laquelle elle en était en me redressant un genoux sur l’assise pour l’empêcher d’me repiquer son truc. Et puis, je fais semblant de lire à haute voix « “Cindy est toute nue a présent, et, sulfureuse, la voilà qui frotte sa forte poitrine sur la ferrari de Steeve”... » et puis, cachant à peine mon gros sourire goguenard, je lève un sourcil sur Zelda en me retenant de rire « eh bah dis donc, on se refuse rien, comme lecture ! » c’est qu’elle m’avait caché ça, la coquine !