T'aurais du feu ? ¤ feat Tobias

De nous ? Il ne restera rien, pas même nos songes ou nos mensonges.

J’traine des pieds dans la ville depuis ce matin sans but précis. J’avais pas envie de grand-chose aujourd’hui, j’étais las de tout ce bordel, oui j’avais envie de me barrer loin de cette ville, mais pour aller où ? Puis y faire quoi ? Si mon père n’avait plus de contrôle sur moi, du moins un minimum, il me couperait les vives et je compte pas bosser. Ouai c’est carrément pas fait pour moi. Faudrait que j’accepte de recevoir des ordres d’un connard qui se pensera supérieur à moi grâce à un titre qu’un autre con de son rang lui aura attribué. Je suis vraiment pas de ce monde là. Il paraît qu’on appel les gens comme moi des marginaux. Faut bien coller des étiquettes à tout le monde. Bref, j’avais traîné les rues à la recherche d’une âme en peine tout la journée, pour finir par rejoindre ma veille caravane, le seul lieu un peu réconfortant. Ici j’y retrouve les lettres de Ronsard, les tableau de Van Gogh, l’âme d’Apollon. Cette vie me convient, ça peut paraître étrange, mais je m’épanouis pleinement dans cette état d’esprit. Je n’ai aucune attache, rien à perdre. Si je venais à mourir demain, je ne laisserais aucune âme en peine. La mort de ma mère a détruit le peu d’humanité et de foi que j’avais en ce monde. Aimer c’est accepter d’être blessé, je ne laisserais personne me détruire…

Allongée dans mon canapé je pose mon regard sur l’horloge murale aussi tordue que ma vie, 21h15, il est temps que je fasse un truc de cette journée déjà quasi morte. Je me lève et file choisir une tenue dans ma chambre en désordre. Un cendrier sur ma table de chevet vomit des tonnes de mégots de Malboro, des chaussures jonchent le sol usé, une vraie princesse désabusée. Je trouve une robe noire, une paire d’escarpin, j’attache rapidement mes longs cheveux châtains, Aphrodite est prête à trouver l’Adonis qui occupera sa soirée. Je sors enfin, je sens les regards des chiens de garde de mon père se poser sur moi, je sais que dans deux minutes il sera informé du moindre détail de ma tenue. Ouai selon les jours il y en a même un qui me suis « discrètement », c’est pas plus mal parfois… Mes talons claquent sur les pavés, mon regard est hagard, j’arrive devant un bar. Pour ce soir je m’en contenterais. Je pousse la lourde porte passe un coup d’œil rapide sur la salle, des couples, des groupes d’amis… Je soupir longuement avant de rejoindre le bar. Je commande un verre de vin blanc, ouai ça fait vachement plus chic qu’une bière. Un homme d’une bonne trentaine d’année assis à côté de moi me regarde avec un grand sourire « C’est pour moi ! » il me sourit l’air idiot « J’crois pas ! » Je retire quelques pièces de mes poches que je lache sur le comptoir avant de me lever le verre à la main. C’est carrément pas mon style de mec, lui est trop souriant, il n’a pas l’œil qui brille et le cœur en peine. Qu’est-ce que j’en ferais si je peux pas m’en nourrir ?

Mon verre d’une main et une clope de l’autre je sors à l’extérieur. Merde pas de briquet, fait chier ! Un homme arrive à la porte au même moment, sans même vraiment le regarder j’enchaîne rapidement avant qu’il ne disparaisse « tu aurais un briquet ? » Je tends ma cigarette en sa direction par la même occasion. Oui je connais pas le vouvoiement, on me le reproche souvent, mais j’m’en fous carrément. Mon regard se pose au même moment dans le sien. Merde ses yeux je les connais mais où ? J’suis pas certaine de le connaître, peut-être que l’on s’est croisé un soirée de défonce ? C’est pas trop mon truc, mais parfois ça fait du bien de quitter un peu ce monde. Alcool, drogue, oui tout est bon pour décoller, son regard je l’ai p’têtre rencontré dans cet autre monde qui sait...

De nous ? Il ne restera rien, pas même nos songes ou nos mensonges.

Rien ne se passe jamais normalement dans cette foutue ville. La normalité aurait fait en sorte que nos chemins ne se soient jamais de nouveau rencontrés. Son regard ne me lâchait pas et plus je m’y noyais plus les traits étaient clairs. Il ne s’agissait en rien d’une rencontre parallèle, juste un fantôme du passé qui refaisait subitement surface.  C’est bien ma veine. Son intonation me fit faire un soubresaut, comme un rappel à l’ordre. Je m’extirpe de son regard un sourire en coin. Tobias, comment avais-je fait pour ne pas le reconnaitre tout de suite aux premiers abords. Cet homme si doux et si aimant… Oui, je crois que Tobias a été ma première « victime », c’est avec lui que j’ai découvert le sentiment de pouvoir que je pouvais avoir sur un homme, juste en lui faisant croire en un amour sincère. Je n’avais rien à lui offrir pas plus d’amour que d’avenir. J’étais déjà une gamine paumée, juste en quête d’un but. C’est à ses côtés que je l’ai trouvé malgré lui. Détruire un homme m’emplissait de bonheur, finalement mon but était peut-être là.

Un léger ricanement sort de mes lèvres à sa réflexion. Le contrôle des flemmes de l’enfer ? C’est me donner bien plus de pouvoir que ce que j’imaginais. « Oh Tobi’… » j’imposais un long silence à l’évocation d’un diminutif qu’il ne m’était certainement pas permis de prononcer. Mon sourire ne faisait que s’élargir sur mon visage « je ne contrôle que les flemmes de des cœurs éperdus d’amour et tu le sais… » J’avais toujours mon verre à la main, j’en profite pour le porter à mes lèvres à défaut d’avoir du feu pour ma cigarette… « mais j’aurais dû demander du feu à quelqu’un d’autre, le tien est éteint depuis bien trop longtemps… Je me trompe ? » Mon sourire ne me quitte pas, il donnerait l’envie à n’importe qui de me gifler pour me le ôter une bonne fois pour toute et pourtant rare son ceux qui si sont risqués. Tobias a toutes les raisons du monde de me détester, plus que n’importe qui je crois. Je lui ai brisé ces rêves je crois, mais une autre l’aurait surement fait tôt ou tard. Tobias était trop bon pour devenir ce qu’il voulait. Tu ne peux pas être quelqu’un avec un cœur si tendre… Je termine le fond de vin qu’il restait dans mon verre avant de planter à nouveau mon regard dans le sien « Laisse-moi t’offrir un verre, en mémoire de notre tendre amour… » la douce ironie de ma voix ne faisait qu’accentuer ce sourire bien ancré sur mes lèvres depuis la découverte de son identité. Pourtant Je jure que quelque part cela me fait plaisir de le voir. On était que des gamins, ça va il y a pas mort d’homme. On a évolué. Oui enfin non pas moi, j’en suis restée au même stade, j’crois que c’est ainsi que je finirais de toute façon.